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Le gouvernement des grandes métropoles

La formation de grandes métropoles de plus de 5 millions d'habitants et de très grandes métropoles - les XXL de plus de 10 millions d'habitants -, représente un phénomène absolument nouveau dans l'histoire.

Ces ensembles bâtis et denses qui concentrent toutes les ressources, tels des attracteurs géants, et qui affichent les extrêmes de l'opulence et de la pauvreté nous interrogent à plus d'un titre. De pareilles métropoles peuvent-elles être gouvernées ? A quelles conditions parviennent-elles à s'équiper ? Comment s'organisent les relations avec leurs territoires proches et leurs homologues dans le réseau mondial des grandes villes ? Depuis longtemps la théorie considère qu'il existe une taille optimale autour de 300 000 habitants mais ce seuil se trouve totalement franchi. Est-ce à dire que la grande ville conduit la civilisation urbaine vers sa perte ? Ou d'autres mécanismes de régulation sont-ils à l'œuvre ?

Toutes les données convergent pour faire ressortir l'intensité du phénomène urbain dans les pays émergents. De ce fait, des expérimentations y sont en cours. Poussés par la nécessité, n'ayant pas le luxe d'attendre, devant agir avec des ressources limitées les acteurs doivent inventer des short cuts par rapport au parcours standard des pays industriels. Or pour le moment l'essentiel des travaux et interprétations sont venus des pays industriels, les expériences dans les pays émergents restent mal connues. Il s'agit d'accumuler dans cette direction. Deux programmes sont en cours : l'un sur les villes de la Méditerranée, l'autre sur les services en réseaux dans les pays émergents (SeRVeD)

Le gouvernement des villes de la Méditerranée

Le principe de ce projet est d’avoir un ou deux chercheurs investis sur chaque ville étudiée (Istanbul, Beyrouth, Le Caire, Alger, Barcelone, Montpellier, Rome) et de coordonner le tout par une problématique partagée et des séminaires de discussion des textes.

Pour reprendre un argument déjà développé (Métropoles XXL en pays émergents. Shanghai, Mumbai, Santiago, Le Cap, Presses de Sciences Po, 2011), la lecture par les institutions politiques fait sans doute trop vite tomber l'explication du côté du chaos et de l'impossible gouverne de ces métropoles. En revanche la mise en place des grands systèmes techniques ou des grands programmes urbains, introduit de facto un principe d'ordre et oblige les acteurs à mettre au point des institutions même si ce n'était pas leur projet conscient. Cette lecture déplace l'approche institutionnelle standard d'un double point de vue. Tout ne se joue pas dans les grandes institutions politiques, il faut accorder de l'importance aux institutions de second rang (instruments) élaborées par les acteurs dans l'action et pour résoudre des problèmes pratiques. Par ailleurs ce travail dont les effet se mesurent dans la durée (10/15 ans) s'accomplit bien plus dans les cercles ordinaires et techniques que dans les arènes politiques. Cette approche ne récuse pas le politique et les règles spécifiques qui l'organisent mais elle propose de compléter la lecture standard de ce qui est considéré comme responsable de l'action publique – élus et grandes règles – par une approche plus pratique à partir de problèmes qui réunissent des décideurs politiques, des opérateurs de réseaux ; pour être résolus ces problèmes supposent toujours une volonté, une acceptabilité de la population, des compétences techniques, des méthodes de financement.

Les problèmes rencontrés par les villes du sud nous conduisent aussi à être attentifs à plusieurs questions qui s'y posent avec une acuité particulière :

  • Si l'on s'intéresse aux institutions et à leur construction comment évoluent les modèles de gouvernement - entre autoritarisme et une lente diffusion de la démocratie ? On s'intéressera à la violence et aux institutions élaborées pour la contenir et la policer. Comment dans ces contextes émergent des gouvernements locaux ?
  • Ces villes restent caractérisées par le sous emploi, une économie parallèle, une pauvreté endémique, des franges urbaines mal équipées et mal intégrées. Comment se gère l’intégration de la jeunesse, l’accès aux biens essentiels ? Il est important d'aborder les questions classiques de sciences politique sur le pouvoir, en les ancrant dans leurs formes matérielles : l'accès au logement, la fourniture des services urbains, et les circuits d'échanges qui se greffent sur ces opérations. S'il est si difficile de sortir d'un retard endémique en matière de construction de logement et de fourniture des services essentiels ce n'est pas seulement à mettre sur le compte des rigidités bureaucratiques ou d'un manque de ressources financières. Il faut s'intéresser aux circuits de la valeur, à sa formation et son partage, ce qui touche au sous bassement de l'économie mais aussi à l'exercice du pouvoir politique. De nombreux acteurs politiques et économiques, intervenant au sommet comme à la base, viennent se greffer sur les circuits et cela explique sans doute le sentier de dépendance.
  • Les questions d’environnement occupent une place capitale avec des problèmes de ressources en eau et de lutte contre la pollution (eau usée, déchets). C'est une autre manière de poursuivre l'analyse à partir des biens essentiels en l'articulant aux grandes questions des villes durables. Quel est le niveau d'équipement de ces villes ? Comment le thème large de l'environnement fait-il son entrée et comment est-il repris et transformé en action publique dans ces villes?

Le programme SeRVeD (services en réseaux dans les villes en développement)

Ce projet comporte une dimension de veille des réformes des réseaux urbains dans les pays émergents : Inde, Afrique, Maghreb Amérique Latine. Il s'intéresse aux grandes villes et aux villes secondaires (trop souvent oubliées).

Dans un travail passé, soutenu par l’AFD, l'équipe du Latts a rassemblé des informations et organisé un premier réseau. Il s’agit de passer à une action plus systématique. L’idée est d’accumuler de la connaissance sur ce qui se passe effectivement dans ces pays : les expériences, les textes publiés. La situation ne se résume pas entre le refus des « privatisations » et ne rien faire. Les initiatives sont nombreuses et couvrent un large spectre institutionnel : modernisation publique, délégation large, délégation limitée, entrée de petits opérateurs, bundling ou gestion sectorielle, mise à niveau à l’occasion de grands projets (et production d’un urbanisme dual).